ROMAN : DEAD STARS

BENJAMIN WHITMER


- Smartphones : orientez votre appareil à l'horizontale pour bénéficier d'un confort de lecture optimisé -


#PolarNoir #Style #ÉtatsUnis #Reagan #Colorado #VilleOuvrière #AmériqueProfonde #Disparition #LanceurAlerte #Suspense #Trust


Comment traduire les années Reagan ?


Dead Stars #PolarNoir #Style #ÉtatsUnis #Reagan #Colorado #VilleOuvrière #AmériqueProfonde #Disparition #LanceurAlerte #Suspense #Trust Benjamin Whitmer



Introduction


L’américain Benjamin Whitmer nous avait fait grande impression, avec ses « Dynamiteurs », publié il y a quatre ans chez Gallmeister. Dans ce roman noir, en forme de western citadin, il racontait l’histoire d’un orphelin de Denver (Colorado), à la fin du XIXe siècle, qui tâchait de survivre dans une ville violente, à cause de la misère, et de débauche. A ses côtés, au milieu d’une dizaine d’autres orphelins, se trouvait Cora, la plus âgée, que Sam aimait en secret, comme si elle pouvait être sa femme. Régulièrement, ils subissaient les assauts de clochards tentant de leur prendre le bâtiment pour s’y installer. Jusqu’au jour où un type débarque un colosse défiguré et muet, Henry Goodnight, que Whitmer décrit en ces termes : « Il était trop grand pour qu’on puisse le voir en entier d’un seul coup. Et à regarder n’importe quel morceau de lui, vous risquiez de perdre complètement pied en pensant à la quantité de lui qu’il y avait autour. »


Benjamin Whitmer, qui ne dépasse pas le mètre quatre-vingts, dixit son traducteur, Jacques Mailhos, semble fasciné par les colosses, comme les sont les frères Turner, Hack et Whitey (plus d’1, 90 m sous la toise), aussi durs à cuire l’un que l’autre, dans son nouveau roman « Dead Stars ». Nous sommes toujours dans le Colorado, mais en 1986, peu après la tournée triomphale du « Boss », Bruce Springsteen, auteur-compositeur de : « Born in the USA »… Et de la réélection de Ronald Reagan, alias RGM : « Reagan la grosse merde », soit deux imposteurs, pensent les frangins, à leur manière. Tous deux vivent dans une ville ouvrière dominée par l’entreprise Stonewall, et son usine de plutonium, Plainviewest. C’est ce qu’on appelle une compagny town, totalement dépendante de son unique employeur.


Drapeau États-Unis

Un soir, Nat (17 ans, picole de la vodka et déteste son père), la fille aînée de Hack, lui apprend que Randy, qui en a quatorze, n’est pas rentré d’une balade à vélo. Suivent trois jours, et deux nuits, de recherches durant lesquels les Turner ne pourront pas compter sur le soutien des habitants de Plainview, ni sur celle du grand-père de l’ado qui a très mauvaise réputation (il était délinquant, ultraviolent). Sans compter que Hack a révélé des informations compromettantes sur son employeur, à propos des conditions de travail dans le nucléaire. Ils s’est mis à dos une grande partie de la population, pour qui balancer sur les failles de la sécurité, c’est fragiliser l’emploi. D’autant plus qu’il n’y a rien d’autres à des dizaines de kilomètres à la ronde.

 


Trump caricature

Plus que la quête frénétique d’un père à la recherche de son ado de fils, dans une ville hostile, Benjamin Whitmer décrit sans pincettes cette Amérique profonde (les Plains) qui s’apprête à réélire le nouveau Ronald Reagan 2.0, j’ai nommé Donald Trump. Celle des white-trash, racistes, misogynes, réacs… Le « cauchemar climatisé », annoncé par Henry Miller, Jim Harrison et James Crumley, à qui il est fait un clin d’œil : « Si ce n’est pas lui, c’est à son frère de Missoula, s’amuse son traducteur, lequel devait avoir une sacrée descente également. » 

 

Le style de Whitmer est moins rigolard, plus brute de décoffrage, que celui de l’écrivain du Montana, mais aussi engagé, au sens où il décrit la réalité de ces descendants de cowboys (il est beaucoup question de rodéo) qui ne s’embarrassent pas de circonvolutions pour dire ce qu’ils pensent : « Whitey ne supporte plus les saloons (…) il préférerait bouffer le cul d’un putois (…) On n’a jamais inventé un endroit plus chiant (…) Tout le monde se raconte une histoire pour survivre et toutes ces histoires s’effondrent sur elles-mêmes. Tous les seaux sont percés (…) Une demi-vie dans une usine où vous vous épuisez et l’autre demi-vie dans un saloon pour faire semblant qu’elle vaut d’être vécue. Et voilà qu’il y est, dans cette chierie. »

 


Romans Benjamin Whitmer

Whitmer est au Colorado ce que Larry Brown était au Mississippi, et Chris Offutt au Kentucky ; ce qui est un grand compliment quand on connait l’œuvre de l’ex-pompier, et du second, également publié chez Gallmeister. Également traducteur de Crumley et de Ross McDonald, Jacques Mailhos a un faible pour « Evasion », son deuxième roman, publié en 2018 (réédité chez Totem, en poche). Depuis, ils sont devenus amis, comme leurs filles respectives. Qui de mieux placé pour nous parler de cet auteur qui, nous apprend-t-il, à notre grande surprise, n’est pas publié dans son pays : « Il est apprécié en Allemagne et en France, où il espère que son succès donnera envie aux éditeurs américains de s’intéresser à lui. Benjamin a un « day job » - boulot alimentaire -  pour nourrir sa famille ».

 


Librairies indépendantes

Dead Stars est plus méditatif que son précédent roman », mais c’est un livre courageux, car les éditeurs américains ont tendance à vouloir gommer tout ce qui peut déranger, être clivant. Chez nous, le Prix Unique (imposé) du livre limite les dégâts, alors qu’au pays des Oncles Sam et Picsou, Amazon a trusté le secteur, au point que les librairies indépendantes ferment les unes derrière les autres. Et comme tout ce qui se passe de l’autre côté de l’Atlantique finit par arriver chez nous, méfiance… Ne serait-ce que pour cela, il faut lire « Dead Starts », ce roman noir aux airs de western. Les écrivains comme Benjamin Whitmer sont des résistants au formatage généralisé.

Guillaume Chérel

 

 

« Dead Stars », de Benjamin Whitmer, 

traduit par Jacques Mailhos, 590 p, 26, 90 €, Gallmeister.






Télécharger
Comment traduire les années Reagan ?
Télécharger et imprimer l'intégralité du texte.
Dead Stars.pdf
Document Adobe Acrobat 1.1 MB


icône don Paypal

Vous aimez cette chronique littéraire ? Ne manquez pas de contribuer en cliquant sur l'image située à gauche

 

Même modeste, un don sera toujours apprécié !



Écrire commentaire

Commentaires: 0